Une équipe de chercheurs de l’Inserm et de l’Institut Curie lève le voile sur la résistance à l’immunothérapie du plus agressifs des cancers du sein à ce jour, le cancer du sein triple négatif. Ce qui (ré)ouvre des perspectives pour cette thérapie qui révolutionne la prise en charge des cancers dans cette pathologie.
Comprendre le cancer passe aussi par l’étude de son environnement proche. C’est ce que ne cesse de montrer Fatima Mechta-Grigoriou, Directrice de Recherche Inserm, responsable de l’équipe Stress et cancer (Institut Curie/U 830 Inserm/équipe labellisée Ligue Nationale Contre le Cancer).
Les cellules tumorales ne sont en effet pas isolées au sein de l’organisme. Elles interagissent avec leurs voisines, à priori saines et les utilisent même à leurs fins. Parmi elles, les fibroblastes sont des cellules de soutien qui forment la trame de tous les tissus. Ils peuvent être activés par des signaux émis par les cellules tumorales. On les désigne alors sous le nom générique de « fibroblastes associés au cancer » (CAF). Les CAFs constituent la population de cellules la plus abondante présente au cœur des tumeurs, se mélangeant avec les cellules tumorales.
A chaque sous-type de cancer, ses CAFs
Les CAFs participent à créer un environnement propice au développement du cancer, indique la chercheuse. Il en existe des différents en fonction des signaux que les cellules cancéreuses ont activé chez eux, mais jusqu’à présent on n’avait aucune idée de l’impact de cette diversité.
Dans des prélèvements de tissu tumoral de femmes atteintes de cancer du sein, l’équipe de Fatima Mechta-Grigoriou a montré qu’il existait 4 sous-types de CAF. Pour cela elle a mis au point une technique innovante permettant d’analyser la combinaison de 6 marqueurs différents sur ces cellules. Si les patientes atteintes de cancer du sein présentent toutes les 4 sous-types de CAF, leur proportion varie en fonction des cancers du sein.
Les CAF-S2 et CAF-S3 ressemblent le plus aux cellules normales et sont les moins activés; ils prédominent dans les cancers du sein luminaux A
Les CAF-S4 sont les plus présents dans les cancers HER2+, soit les cancers répondant à l’herceptin
Dans les cancers triple négatifs, on retrouve principalement des CAF-S1 ou des CAF-S4
Les cancers dits « triple-négatif » représentent 15 % des cas de cancer du sein, mais ils sont compliqués à soigner : il n’existe en effet aucune thérapie ciblée connue à ce jour et un grand nombre de ces cancers répond mal aux immunothérapies.
L’une des raisons de cette résistance pourrait être l’accumulation des CAF-S1.
Leur présence entraîne une cascade de réactions au niveau des cellules du système immunitaire créant un environnement immunosuppressif, c’est à dire rendant le système immunitaire déficient.
Fatima Mechta-Grigoriou, chercheuse
Les CAF-S1 inhibent l’activité anti-tumorale du système immunitaire, ce qui pourrait expliquer l’inefficacité des anticorps qui ciblent la voie de signalisation PD1/PD-L1, et qui font figure aujourd’hui de piste très prometteuse en immunothérapie. Ces molécules chargées de « rétablir » le système immunitaire pour qu’il s’attaque aux cellules cancéreuses, pourraient être bloquées par les CAF-S1.
La prochaine étape pour Fatima Mechta-Grigoriou et son équipe serait donc de désamorcer les CAF-S1 pour rendre ces traitements efficaces chez les femmes atteintes de cancer du sein triple négatif.
Les recherches de Fatima Mechta-Grigoriou s’inscrivent au cœur du projet médico-scientifique de l’Institut Curie qui vise à rapprocher chercheurs, médecins et patients autour de thématiques d’avenir de la cancérologie. Véritable expert de la prise en charge des cancers du sein, l’Institut Curie a fait de la recherche contre les cancers du sein triple-négatif une priorité pour repousser les frontières de la lutte contre les cancers du sein.