À l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science, plongez dans le parcours du Pr Frédérique Penault-Llorca. Spécialiste de renom en oncologie pathologique, elle dirige le Centre Jean Perrin de Clermont-Ferrand et occupe la vice-présidence d’Unicancer. Professeure de pathologie à l’université de Clermont-Ferrand et directrice adjointe de l’équipe de recherche Inserm 1240 IMoSt, elle a marqué la science par ses contributions majeures. Un retour sur sa carrière et son parcours exceptionnel.

  • 1. Quelles ont été les étapes marquantes de votre parcours qui vous ont menée à devenir professeur et spécialiste dans votre domaine ?

À 17 ans, j’ai commencé la médecine, bien que ma première aspiration ait été la philosophie. Issue d’une famille médicale, j’ai été poussée à suivre cette voie, malgré mes hésitations. Curieuse de nature, j’ai rapidement développé un intérêt pour la recherche. En quatrième année de médecine, j’ai pris un module optionnel d’anatomie pathologique. Sur les conseils de mon ami et pathologiste Thierry Molina, j’ai suivi ce module et cela a été une véritable révélation pour moi. Ma passion pour la microscopie et mon intérêt pour la recherche m’ont naturellement orientée vers l’anatomie pathologique en cancérologie.

J’ai étudié à la Faculté de médecine de Clermont-Ferrand et effectué mon internat à Marseille.

Je me considère comme une enfant des Centres de Lutte Contre le Cancer (CLCC). J’ai grandi dans un environnement riche, marqué par de nombreux échanges avec les cliniciens. Ces interactions donnaient un véritable sens à notre travail, en nous offrant l’opportunité de rencontrer des chercheurs et de nous intégrer à des équipes de recherche. Les CLCC ont été le cadre de presque toute ma carrière. Je suis reconnaissante et fière de travailler dans un CLCC.

Lors de mon premier stage à l’Institut Paoli-Calmettes (IPC), deux mentors ont eu une grande influence sur ma carrière : Jacques Hassoun, qui m’a encouragée à faire un master (anciennement DEA) sur de l’hybridation in situ dans les cancers du col, et Jocelyne Jacquemier, grande spécialiste du cancer du sein, un vrai modèle à mes yeux. Elle m’a inspirée tant par sa carrière que par son engagement envers les patientes et la recherche translationnelle. J’ai vraiment suivi ses pas et je l’admire car elle a su réussi à avoir une vie de famille épanouie et une vie professionnelle accomplie.

J’ai poursuivi mes recherches à l’IPC et élargi mes connaissances en partant à Heidelberg en Allemagne avec le Pr Harald zur Hausen, prix Nobel pour ses travaux sur le papillomavirus, puis au Canada avec le Pr Meisels. J’ai aussi eu l’opportunité de travailler à New York, à l’Hôpital Mont Sinaï, où j’ai été formée en gynécopathologie par une autre mentor exceptionnelle qui a d’ailleurs plus de 90 ans aujourd’hui et a arrêté il y a seulement 3 ans. Elle-aussi est une grande source d’inspiration à mes yeux.

Je me suis intéressée à la biologie moléculaire, devenant l’une des premières internes à m’y consacrer. Suivant les conseils de mes mentors, j’ai veillé à acquérir une solide formation en morphologie et en diagnostic. Après deux ans, j’ai décidé de rester à l’hôpital et de me spécialiser davantage en biologie moléculaire. Mon objectif était de faire une carrière universitaire, qu’importe les réflexions qui pouvaient m’être faites en tant que femme.

Cependant, à Marseille, il n’y avait pas de perspectives universitaires. Avec mon mari, nous avons alors eu l’opportunité de travailler à Clermont-Ferrand. J’ai alors contacté le directeur du centre Jean Perrin, qui avait suivi ma carrière à Marseille parce que j’étais passée comme externe dans son service en cinquième année. Il m’a ainsi proposé un poste et donc en 1996, je suis arrivée à Clermont-Ferrand.

Quand j’ai pris mes fonctions là-bas, il y avait absolument tout à construire, parce que je suis arrivée dans une petite structure anapath où il y avait cinq techniciens et une secrétaire. Aujourd’hui, à titre de comparaison, il y a une quarantaine de personnes incluant sept médecins, six internes, les cadres, les quatre assistantes médicales, les techniciens et trois ingénieurs. J’ai intégré une équipe de recherche du Centre où je suis restée 4 ans avant de créer ma propre équipe de recherche pour me consacrer au cancer du sein triple négatif. Et puis il y a 12 ans, nous avons fusionné notre équipe avec une autre équipe pour créer l’unité INSERM 1240 IMoST que je codirige avec la professeure Elisabeth Miot-Noirault de l’université Clermont Auvergne.

Travaillant dans une ville de la taille de Clermont-Ferrand, j’ai rapidement compris l’importance du travail en réseau. En France, je me suis impliquée très rapidement dans des études du groupe PACS, précurseur de l’UCBG, et j’ai collaboré avec des chercheurs du groupe GEFPICS, dont les docteurs Magali Lacroix-Triki, Laurent Arnould, Gaetan Mac Grogan, Camille Franchet et la Pre Anne Vincent-Salomon, dans le cadre de guidelines, de projets ou encore de publications dans les réseaux internationaux. Et puis je me suis beaucoup impliquée dans les réseaux internationaux, en particulier autour d’un marqueur sur lequel j’avais fait ma thèse d’université qui est HER2, sur lequel je travaille maintenant depuis plus de 35 ans et sur lequel j’ai une certaine reconnaissance internationale puisque j’ai participé à l’élaboration de guidelines de l’ESMO, par exemple, à ce sujet-là.

Grâce à des collaborations nationales et internationales, on a pu développer beaucoup de choses au centre et ce malgré des ressources limitées. Comparé aux grands centres comme l’Institut Curie, Gustave Roussy ou le Centre Léon Bérard, il est vrai que nous faisons face à plus de difficultés. Mais avec des équipes très soudées, nous avons réussi à accomplir beaucoup. Je suis très fière de ce parcours et de mes collègues qui ont relevé ce défi avec moi.

En parallèle de mon activité de pathologiste et de mon implication dans la recherche et l’enseignement, j’ai été nommée maîtresse de conférences en 2000, puis professeure des universités en pathologie (PU-PH) en 2002, à 40 ans. Ce qui m’a toujours particulièrement passionnée, c’est la transmission du savoir et l’enseignement de ma spécialité.

J’ai toujours été profondément engagée au sein de la communauté médicale, notamment en tant que présidente de la commission médicale d’établissement (CME), puis directrice scientifique du Centre Jean Perrin. Cela m’a permis de travailler en étroite collaboration avec l’équipe de direction, les chercheurs et l’ensemble des équipes. Initialement, je n’avais pas l’intention d’accepter un poste de direction, principalement pour deux raisons : je doutais de mes capacités, comme c’est souvent le cas pour les femmes, et j’avais peur que cela m’éloigne de ce que j’adore : la pathologie, la recherche et l’enseignement.

Finalement, j’ai accepté le poste de directrice générale du Centre Jean Perrin en 2013, notamment grâce au soutien du Pr Josy Reiffers, président d’Unicancer à l’époque, ainsi que du Pr Jacques Dauplat, le directeur que j’ai remplacé. Aujourd’hui, je parviens à conserver une activité de pathologie, notamment en tant que référente pour les tumeurs rares de l’ovaire et certains types de cancers du sein. Je continue également à donner des avis médicaux à mes collègues, qui me sollicitent presque quotidiennement pour des cas difficiles.

Je suis co-directrice de l’équipe Inserm 1240 depuis dix ans et participe activement à l’animation de la recherche. Je poursuis également mon enseignement à l’université. C’est un travail immense, nécessitant beaucoup d’organisation, y compris les week-ends et soirs, mais c’est un métier passionnant, et je ne regrette rien.

  • 2. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’anatomopathologie et comment êtes-vous devenue anapath? Parmi vos travaux de recherche, quels résultats ou projets récents trouvez-vous les plus prometteurs pour améliorer les soins aux patients ?

L’anatomopathologie, comme le Pr Anne Vincent-Salomon a dû l’expliquer, consiste à poser un diagnostic des maladies en analysant les tissus malades. Nous répondons en général à cinq questions que se posent les cliniciens : 

  • De quelle maladie s’agit-il ?
  • Est-ce bénin, malin, ou une forme précancéreuse ?
  • Quelle est la gravité de la maladie et son agressivité ?
  • Comment traiter la maladie ou a-t-elle répondu au traitement néoadjuvant ?

Et pour les chirurgiens : est-ce que j’ai tout enlevé ? Ces dernières années, notre travail a beaucoup évolué. Nous utilisons des techniques comme l’immunohistochimie, ainsi que des approches de biologie moléculaire, pour identifier des marqueurs et des cibles thérapeutiques. Cela permet d’évaluer l’efficacité des traitements et de suivre l’évolution des tumeurs sous traitement. Nous participons également aux réunions de concertation pluridisciplinaire, où les décisions thérapeutiques sont prises. Dans le cancer du sein, par exemple, nous discutons régulièrement avec les radiologues sur les lésions précancéreuses biopsiées, pour savoir si nous devons surveiller les patientes, les opérer ou définir le type d’intervention approprié. Cela implique de nombreuses réunions et échanges avec nos collègues cliniciens.

Dans les travaux que j’ai initiés ou auxquels j’ai participé, certains sont aujourd’hui largement cités. Par exemple, nous avons beaucoup travaillé sur HER2 dans le cancer du sein. Ce cancer était extrêmement grave à la fin des années 80, mais aujourd’hui, grâce aux traitements ciblés, il se soigne beaucoup mieux. J’ai contribué à la mise au point des techniques permettant d’évaluer ce statut, et j’ai publié plus de 150 articles à ce sujet, y compris des recommandations.

J’ai aussi participé à des travaux importants sur le cancer colorectal, où avec une équipe parisienne, nous avons découvert qu’une mutation génétique spécifique (KRAS) était un marqueur clé pour le traitement des cancers du côlon avec des thérapies anti-EGFR. Ce travail a été contre-intuitif, car généralement, on recherche la cible du traitement. Nous avons trouvé qu’une autre voie d’activation tumorale était à rechercher. Si cette voie était activée, même avec la cible présente, le médicament ne fonctionnerait pas. Cette découverte a eu un grand impact sur la manière de traiter les cancers colorectaux aujourd’hui.

Enfin, nous avons aussi mené des recherches sur les cancers du sein triple négatif, afin de trouver des marqueurs prédictifs de la réponse à la chimiothérapie néoadjuvante. J’ai eu la chance de collaborer avec le Pr Chollet, un oncologue visionnaire, sur ces travaux. Aujourd’hui, il est devenu standard d’évaluer l’effet des traitements sur la tumeur en place, ce qui permet de mieux adapter les traitements futurs. Ces travaux ont été très influents et je suis fière d’y avoir contribué.

Au Centre Jean Perrin, nous faisons beaucoup de recherche translationnelle. Aujourd’hui, nous allons encore plus loin, notamment grâce à la médecine nucléaire et aux traceurs radioactifs, qui sont l’une des spécificités du Centre Jean Perrin. Nos recherches se concentrent sur l’identification de cibles tumorales. Ensuite, nous collaborons avec des chimistes pour développer des traceurs qui se fixent sur ces cibles, permettant ainsi d’effectuer des imageries, comme le PET scan, avec des produits radioactifs spécifiques. L’étape suivante consiste à remplacer ces traceurs par des produits radioactifs qui, en se fixant sur les cellules tumorales, vont les détruire et délivrer la radiothérapie directement dans la tumeur. Ce travail de recherche est très translationnel, allant de l’échantillon tumoral du patient, à la conception des molécules par les chimistes, puis aux calculs de doses par les physiciens, à la préparation des traceurs par les radiopharmaciens, et enfin à l’imagerie grâce à la médecine nucléaire.

Le but ultime est d’arriver à une thérapeutique, avec des essais cliniques chez l’homme, suivis du développement clinique. Tout ce processus est cohérent et vise à obtenir les meilleurs résultats possibles. Comme le dit souvent la docteure Nina Radosevic-Robin, ma collègue et chercheuse, avec les ressources dont nous disposons, nous faisons le maximum, en « pressant le citron » pour aller au bout de chaque projet.

  • 3. La Journée internationale des Femmes et des Filles de Science met en lumière des parcours inspirants comme le vôtre. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes filles souhaitant s’orienter vers des carrières scientifiques et médicales ? Auriez-vous un message à leur transmettre ?

Il est essentiel de ne pas se fixer de limites. De mon côté, j’essaie de soutenir et de guider les jeunes femmes, en mettant l’accent sur leur promotion, notamment au Centre Jean Perrin où de nombreuses femmes occupent des postes de direction dans des services comme les laboratoires, la pharmacie, la chirurgie, la radiothérapie et l’oncologie. Je leur conseille de croire en elles et de se dire qu’elles en sont capables, car trop souvent les femmes sont confrontées au syndrome de l’imposteur.

Il est important de ne pas écouter les critiques sur l’ambition des femmes ou les remarques sur leur difficile équilibre entre vie professionnelle et familiale. Personnellement, quand j’écrivais ma thèse d’université et qu’avec mon mari, nous étions entre Marseille et Clermont à l’époque, j’ai passé six mois seule à Marseille avec mes deux aînés. Je rentrais du travail à 19h et je devais m’occuper d’eux, les baigner, les coucher, avant d’écrire ma thèse jusqu’à minuit, une heure du matin. Et le lendemain, je retournais travailler. Mais pendant tout le temps que passaient avec mes enfants, j’étais à 100% avec eux. Mes trois enfants savaient que j’étais toujours joignable et disponible pour eux. Ça les a autonomiser et en même temps, ils sont fiers de nous.

Aujourd’hui, il est possible d’avoir une carrière tout en étant présente pour ses enfants, et le monde médical et scientifique offre davantage de flexibilité pour les femmes, comme la possibilité de travailler à temps partiel ou de choisir des horaires adaptés et une part de télétravail. Ce qui n’était pas du tout possible avant. Et en plus, on peut avoir la chance d’avoir un ou une partenaire et donc ne pas être seul(e) à élever ses enfants. J’ai beaucoup sensibilisé mes collègues à ça et on a vraiment mis ça en place dans les évaluations des médecins dans les carrières universitaires : tenir compte dans la carrière des femmes, des périodes de maternité, des périodes de post-maternité, parce qu’il peut y avoir des trous dans les carrières, une baisse des publications et de la production scientifique, ce qui n’est pas forcément le cas chez les hommes qui ont des enfants. On y est très vigilants.

Enfin, il ne faut pas avoir peur de ses émotions. Même si j’avais des appréhensions au début de ma fonction de directrice générale, j’ai voulu rester authentique, avec mes qualités, mon sens de l’humour et ma spontanéité. Il est crucial de rester empathique et à l’écoute, tout en étant capable de garder une certaine distance dans la gestion des équipes. C’est une approche qui m’a toujours guidée, même si ce n’est pas toujours facile.

J’ai un exemple d’ailleurs : en 1997, alors que je me préparais pour une carrière universitaire, le directeur m’a dit qu’il allait favoriser un oncologue médical pour un poste universitaire, car il était crucial pour le centre d’avoir un agrégé en oncologie, et ce candidat étant un homme, il risquait de partir ailleurs. Il m’a dit que, bien que je sois déjà reconnue, cela n’était pas urgent pour moi et que je pouvais attendre. Cela m’a profondément blessée, car je savais que cette décision ne serait jamais prise à l’égard d’un homme, et cela dévalorisait ma spécialité également, même si je comprenais ses priorités pour le Centre. J’étais tellement démoralisée que j’ai envisagé de partir, et on m’avait même proposé un poste à Boston. Mon mari était prêt à me suivre. Finalement, j’ai décidé d’attendre et, par un évènement imprévu, j’ai obtenu ma nomination à l’agrégation en 2002, à la place de cette personne qui n’avait apparemment pas le niveau pour passer l’agrégation et donc son dossier avait été refusé par son CNU… Cela montre qu’il ne faut jamais se décourager quand on pense qu’on a le niveau et la légitimité !

Un autre exemple : plus tard, lorsque je suis allée voir le doyen de l’époque pour passer le concours de Professeure des Universités, il m’a demandé si cela était vraiment nécessaire pour moi, me suggérant que, puisque mon mari allait aussi passer l’agrégation et que nous avions des enfants, je devrais être contente de ma position actuelle. Il m’a même dit que sa femme, maîtresse de conférences, s’occupait des enfants et que tout allait bien pour elle. Cette remarque m’a profondément choquée. Je lui ai répondu fermement que j’avais ma propre carrière et que je n’étais pas là pour être la « potiche » de mon mari, chacun ayant sa carrière et nos enfants étaient les nôtres, et non juste les miens. C’était en 2001, et ces propos étaient vraiment violents et paternalistes, réduisant mes ambitions de femme et de mère à des stéréotypes. Mais même aujourd’hui, ce genre de remarques se fait encore entendre parfois, qu’on ait des enfants ou non.

  • 4. Pensez-vous que les femmes scientifiques sont aujourd’hui suffisamment représentées et reconnues dans des domaines comme l’oncologie ? Quelles initiatives pourraient renforcer leur place ?

Depuis une dizaine d’années, de nombreuses femmes sont devenues des figures incontournables en oncologie, tant au niveau national qu’international. Les choses ont beaucoup évolué grâce à des initiatives comme Women in Oncology, qui ont œuvré pour la parité et la représentativité des femmes. On compte aujourd’hui plus de femmes professeures des universités, même si elles restent moins nombreuses que les hommes à postuler à ces postes.

Le véritable enjeu réside dans l’accès aux postes de direction. À ce jour, je suis la seule femme à diriger un Centre de Lutte Contre le Cancer, et j’aimerais voir cette situation évoluer. Beaucoup de femmes doutent encore de leur légitimité ou craignent de devoir renoncer à leurs carrières scientifiques. Pourtant, il ne s’agit pas d’un sacrifice, mais d’un engagement au service d’une communauté, avec des responsabilités passionnantes. Et en s’organisant bien, il est tout à fait possible de continuer à mener à bien les projets qui nous tiennent à cœur.

Avec Sophie Beaupère, nous échangeons souvent sur la nécessité de promouvoir des profils féminins dans les directions des centres. L’arrivée de plus de femmes à ces postes permettrait d’apporter un regard et un style de management différents.

Même si du chemin reste à parcourir, la représentation des femmes en oncologie est déjà significative. Au Centre Jean Perrin, notre unité Inserm est dirigée par deux femmes, et mon service est entièrement féminin. D’ailleurs, l’anatomopathologie est une spécialité très féminisée en France, même si elle attire de plus en plus d’hommes.

  • 5. Avez-vous vous-même été influencée par des modèles féminins dans votre parcours ?

J’ai été influencée dans ma carrière par des femmes inspirantes qui ont œuvré en oncologie et ont marqué leur domaine par leur engagement et leur leadership. Je pense à mes mentors en pathologie, dont Jacqueline Jacquemier à Marseille avec qui j’ai fait mon premier stage puis quasiment tout mon internat et qui m’a conforté dans mon choix de faire de l’anapath. Son approche de la recherche, ses dialogues avec cliniciens et chercheurs, ainsi que sa précision diagnostique en ont fait un modèle pour moi.  Il y a également la Pre Liane Deligdisch, avec qui j’ai travaillé à New York sur les précurseurs des cancers de l’ovaire, qui m’a également marquée par son intuition et sa vision scientifique. Toutes deux sont des femmes extrêmement cultivées et qui ont de nombreuses qualités.

Au niveau international, le Pr Fattaneh (Tanya) A. Tavassoli, une experte internationalement reconnue en pathologie mammaire et gynécologique et autrice de Pathology of the Breast, et le Pr Kornelia Polyak, pionnière dans l’étude du microenvironnement des cancers, ont dû se battre dans un milieu d’hommes et ont apporté des contributions majeures en pathologie. En France, Dominique Stoppa-Lyonnet, médecin et professeure de génétique à l’Institut Curie, s’est illustrée en s’opposant à la tentative de brevetage du gène BRCA par Myriad Genetics, défendant l’idée que le génome humain ne pouvait être privatisé.

Et à notre époque, je pense au Pr Anne Vincent-Salomon de l’Institut Curie qui a une brillante carrière à l’Institut Curie et a fondé son propre IHU. Elle a connu une véritable accélération dans sa carrière scientifique ces dix dernières années, notamment avec tous les travaux qu’elle a développés avec Fatima Mechta-Grigoriou.  Elle a développé au cours de sa carrière des thématiques comme les cancers lobulaires, et la pathologie numérique et ses applications en diagnostic et en recherche, sur lesquelles elle a vraiment pris un leadership international très fort. Donc je lui dis vraiment bravo et je suis admirative de son parcours.

Parmi mes modèles contemporains, avec qui j’ai eu la chance de travailler, il y a aussi la Pre Laurence Zitvogel de Gustave Roussy, connue pour son formidable travail sur le microbiote intestinal. Pour moi, c’est une femme incroyable qui a beaucoup d’humour, qui est brillante et qu’on a envie de suivre. Et puis, j’ai une pensée également pour la Pre Isabelle Ray-Coquard pour ses nombreux travaux au niveau du développement de la recherche clinique en gynécologie, la création des réseaux des tumeurs rares en gynécologie et plus récemment du réseau FEM-NET. Ce sont des femmes exceptionnelles.

Ces femmes visionnaires ont tracé la voie en menant des combats importants, et elles restent des modèles inspirants pour moi et pour les générations à venir.