Un article paru en février dans la revue JAMA Internal Medicine démontre qu’il est possible de proposer aux femmes de comprimer elles-mêmes leurs seins à l’occasion d’une mammographie, en particulier si elles redoutent le caractère inconfortable voire douloureux de la compression mammographique.
Source : Institut de Cancérologie de Lorraine
Une idée d’étude clinique issue de la pratique…
Depuis toujours on se rend compte que certaines patientes vivent vraiment mal l’expérience de la mammographie. Ces femmes-là arrivent très stressées car elles appréhendent de subir au mieux de l’inconfort, au pire de la douleur.
Dr Philippe Henrot, coordonnateur de l’étude
« Or il faut rappeler que la mammographie reste la meilleure technique pour le dépistage du cancer du sein. En effet, elle permet de dépister les lésions les plus petites possibles afin de donner les meilleures chances de guérison », rappelle le Dr Philippe Henrot, coordonnateur de l’étude, responsable du service de radiologie de l’Institut de Cancérologie de Lorraine.
La mammographie implique forcément une compression des seins. En effet, il faut réduire l’épaisseur du sein le plus possible pour améliorer la qualité de l’image et donc pouvoir détecter de petites anomalies.
Alors, lorsqu’en 2010 une manipulatrice du service propose de laisser aux patientes la possibilité de comprimer elles-mêmes leurs seins, toute l’équipe s’est dit : « pourquoi pas, à condition que la qualité d’image reste la même. »
Des résultats très positifs
Le Dr Henrot poursuit : « En 2010, seul un papier aux États-Unis avait relaté une expérience d’auto-compression mammaire, avec un retour très positif des patientes et une qualité d’image qui n’avait pas été dégradée. Puis plus rien. Nous avons donc engagé un pré-test pendant quelques mois pour nous faire notre propre idée. Il fallait déjà vérifier dans la réalité quelques principes : le positionnement de la patiente, la compression minimale avant inconfort ou douleur, la capacité des patientes à s’approprier l’outil de compression standard (une pédale) et les explications préalables, la relation de contrôle et d’encouragement des manipulateurs, etc. »
Très vite, les résultats de ce pré-test se sont révélés prometteurs : de nombreuses patientes comprimaient leurs seins bien au-delà de ce qu’aurait fait le manipulateur, et rapportaient une douleur inférieure.
Une étude à grande échelle a donc été lancée. Elle a concerné l’Institut de Cancérologie de Lorraine, mais aussi trois autres centres de lutte contre le cancer (l’Institut Bergonié de Bordeaux, l’Institut Curie de Paris, le Centre François Baclesse de Caen) et deux cabinets de radiologie nancéiens (le cabinet d’imagerie RX 125 et le service de radiologie de la polyclinique Majorelle). Le projet, retenu par le PHRC K 2012, a été financé par la DGOS (direction générale de l’offre de soins du ministère de la Santé).
L’étude randomisée a inclus 549 femmes pendant 2 ans, de 2013 à 2015. La moitié des patientes a bénéficié de la compression par le manipulateur et l’autre moitié de l’auto-compression.
Les résultats de l’essai clinique sont très positifs. Ils ont démontré que les femmes ne se compriment pas moins, que la force de compression est supérieure quand la femme le fait, que la douleur mesurée est inférieure et que la qualité d’image n’est pas dégradée.
Des perspectives encourageantes pour le dépistage du cancer du sein
Ces résultats ont été communiqués à Chicago en décembre 2017 au RSNA, le congrès international de la radiologie et publiés en février 2019 dans le JAMA Internal Medicine online.
Cette étude détaillée, diffusée dans la communauté scientifique internationale, donne la possibilité à tout service de radiologie de mettre en œuvre cette technique qui est applicable sur tous les appareils. Il est donc possible de proposer de façon validée l’auto-compression mammaire aux patientes qui en expriment le souhait ou qui vivent mal la mammographie. Cette technique reste aujourd’hui une option, l’étude n’ayant pas été conçue pour généraliser la pratique.
Nous espérons que l’auto-compression pourra faire sauter un frein au dépistage. En effet, certaines femmes ont interrompu ou n’ont pas fait le dépistage par crainte de la mammographie.
Dr Henrot