Marseille, le 2 juillet 2020 – Une collaboration entre cliniciens et chercheurs en pharmacologie de l’Institut Paoli-Calmettes (IPC) et le CRCM (Centre de recherche en cancérologie de Marseille) a permis de produire les premiers résultats de l’essai clinique CeGAL de médecine personnalisée en onco-hématologie. Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue Blood Cancer Journal.
Passer de l’ère d’une thérapie adaptée au plus grand nombre à celle de la médecine dite de précision dans laquelle chaque patient bénéficierait d’un traitement individualisé guidé par les données moléculaires caractérisant sa pathologie, tel est le changement de paradigme qu’ambitionne la médecine personnalisée. Concernant la prise en charge des patients atteints de cancer et hormis quelques exceptions notables, l’identification et la caractérisation d’altérations moléculaires n’ont pas encore permis d’orienter les stratégies thérapeutiques individuelles avec un bénéfice clinique avéré.
L’équipe du Pr Norbert Vey a proposé de compléter les données génomiques caractérisant une tumeur par des tests fonctionnels visant à identifier ses talons d’Achille. L’intérêt de cette approche est particulièrement marqué dans la leucémie aiguë myéloïde (LAM) pour laquelle la majorité des patients rechutent et succombent à la maladie avec un taux de survie globale à 5 ans d’environ 20 %. En coordination avec l’équipe d’Oncologie prédictive du Dr Daniel Birnbaum et la plateforme préclinique TrGET dirigée par le Dr Yves Collette, les profils de sensibilité et de résistance à un panel de médicaments (sous autorisation de mise sur le marché, soit en cours d’investigation clinique) ont été développés ex vivo sur les cellules leucémiques issues de patients réfractaires ou en rechute de leur traitement, parallèlement caractérisés sur le plan génomique.
« En se concentrant spécifiquement sur cette population de patients réfractaires recrutés dans le cadre formel d’un essai clinique dont l’Institut Paoli-Calmettes est promoteur, nous avons évalué la faisabilité de produire en temps réel les données génomiques et fonctionnelles pertinentes discutées par un comité institutionnel personnalisé dans le but d’orienter la stratégie thérapeutique choisie par le clinicien », précise le Dr Aude Collignon, premier auteur de la publication.
L’objectif principal de cette étude a été atteint pour 58 % des patients, dont 35 % ont reçu le traitement guidé par le TTS (Tailored Treatment Strategy). Quinze de ces dix-sept TTS ayant été guidés par les données combinées de la génomique et de sensibilité aux drogues, alors que deux TTS ont été guidées par les données de la génomique ou de sensibilité aux drogues uniquement.
Les résultats montrent que la chimiogénomique combinant la caracétrisation des altérations génomiques et les tests de sensibilité aux drogues pour déterminer un TTS est une approche réalisable et prometteuse pour proposer des options de traitement spécifiques aux patients dans un délai de 21 jours. La courte durée (≈ 3 mois) de survie globale dans cette cohorte favorise l’inclusion des patients plus tôt dans leur parcours thérapeutique, supportée par 4 réponses complètes survenues dans le groupe TTS.
En oncologie, la révolution des technologies pan-génomiques à haut débit et désormais les analyses de la cellule unique ont permis des progrès considérables avec notamment l’identification de signatures moléculaires caractéristiques de sous-groupes de patients aux valeurs pronostiques variables mais qui témoignent aussi de l’hétérogénéité des cancers et de la complexité de leur traitement. La chimiogénomique adapatées à une prise en charge en temps réel des patients vient compléter cette cartographie complexe de la cellule tumorale, apportant au clinicien de possibles options thérapeutiques, en particulier pour des patients réfractaire ou en rechute de leur traitement.
L’extension de cette étude à un nombre croissant de patients et leur analyse chimiogénomique comparée avec les patients au moment du diagnostic est en cours, ce qui devrait permettre de mieux identifier et cibler les spécificités de ces patients réfractaires tout en améliorant leur prise en charge personnalisée.
Références :
Collignon, A., Hospital, M. A., Montersino, C., Courtier, F., Charbonnier, A., Saillard, C., D’Incan, E., Mohty, B., Guille, A., Adelaïde, J., Carbuccia, N., Garnier, S., Mozziconacci, M. J., Zemmour, C., Pakradouni, J., Restouin, A., Castellano, R., Chaffanet, M., Birnbaum, D., Collette, Y., … Vey, N. (2020). A chemogenomic approach to identify personalized therapy for patients with relapse or refractory acute myeloid leukemia: results of a prospective feasibility study. Blood cancer journal, 10(6), 64. https://doi.org/10.1038/s41408-020-0330-5