A l’occasion d’Octobre Rose 2022, l’Institut Curie fait le point sur ses avancées en matière de prise en charge et de recherche pour mieux prévenir, anticiper et intercepter les récidives de cancer du sein.
Le cancer du sein touche chaque année près de 60 000 femmes en France et, dix ans après le premier diagnostic, 15 à 20 % de ces cancers récidivent. Parmi eux, les cancers du sein dits « triple négatif » sont les plus à risque.
Le cancer peut récidiver au niveau du sein lui-même (récidive locale) ou à distance, dans d’autres organes ou tissus, ce sont les métastases. Le risque de récidive et la sévérité de celle-ci dépend de la taille de la tumeur initiale, de l’atteinte des ganglions, des traitements… Tous types de cancers confondus, on observe un pic de récidive locale ou d’apparition de métastases deux ans après les traitements.
Une prise en charge sur tous les fronts
1er centre européen de prise en charge du cancer du sein, l’Institut Curie s’appuie sur l’expertise multidisciplinaire de ses équipes pour réduire autant que possible le risque de récidive et la traiter la rechute au plus tôt lorsqu’elle ne peut être évitée :
Imagerie, chirurgie de précision, analyse de la tumeur, traitements adjuvants, surveillance post-traitement… Une prise en charge pluridisciplinaire est indispensable pour limiter les risques de rechute, avec une certitude : mieux les patientes sont traitées initialement, plus le risque de rechute diminue.
Précise Dr Paul Cottu, oncologue médical à l’Institut Curie.
A partir des résultats initiaux d’imagerie et du prélèvement par biopsie, les médecins repèrent la présence de récepteurs hormonaux et mesurent la densité de facteurs de croissance. Selon les résultats et en fonction d’autres paramètres (âge, poids, taille de la tumeur, apparence des cellules cancéreuses, atteinte des ganglions lymphatiques, signes inflammatoires…), différents traitements ou combinaisons de traitements dit adjuvants sont prescrits – en complément de la chirurgie – pour prévenir la récidive : chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie, thérapies ciblées et/ou immunothérapie. Les espoirs sont nombreux d’aller encore plus loin dans la personnalisation des traitements selon des critères validés grâce à l’innovation.
Grâce à la pathologie numérique – qui associe numérisation des coupes très fines issues des prélèvements de tumeurs du sein et outils d’intelligence artificielle – nos diagnostics seront de plus en plus précis et les décisions thérapeutiques toujours plus pertinentes pour les femmes, en particulier pour celles qui sont le plus à risque de rechute.
Ajoute le Dr Anne Vincent-Salomon, cheffe du pôle de médecine diagnostique et théranostique à l’Institut Curie.
Mettre au point les traitements de demain
La compréhension des mécanismes à l’origine des rechutes et la manière de les éviter ou de les prédire est au cœur des préoccupations des équipes de recherche de l’Institut Curie.
Par exemple, des projets sont en cours pour améliorer l’utilisation du PET-scan afin de prédire efficacement l’envahissement tumoral. Par ailleurs, de nombreuses équipes de l’Institut se consacrent à décrypter les modes d’action de l’immunothérapie pour tenter d’en augmenter l’efficacité. Pour cela, les chercheurs étudient notamment toutes les cellules impliquées dans l’immunité (macrophages, lymphocytes, cellules dendritiques…) qui sont autant de pistes pour améliorer la prise en charge des cancers du sein et de leur risque de rechute.
Les processus épigénétiques font aussi l’objet de travaux inédits, exploitant des techniques de pointe, telles que l’étude de « cellule unique » pour explorer de nouvelles stratégies thérapeutiques. Autre piste : le fer, dont le rôle dans la résistance aux traitements est désormais démontré.
Des essais cliniques innovants
L’Institut Curie mène de nombreux essais cliniques d’envergure internationale, en particulier contre les cancers les plus agressifs et les plus sujets à récidive.
Parmi les pistes explorées à l’institut : l’essai PADA-1 coordonné par le Pr François-Clément Bidard, oncologue médical à l’Institut Curie. Impliquant 83 centres en France et plus de 1 000 patientes, cette étude a démontré qu’il est possible retarder très significativement l’évolution du cancer en cours d’hormonothérapie en détectant une mutation de résistance à l’hormonothérapie (gène ESR1) et en la ciblant par un changement de traitement. Les travaux se poursuivent désormais, notamment pour essayer de prédire quelles patientes pourraient développer de telles mutations.
Un autre projet révolutionnaire est mené à l’Institut Curie autour des fibroblastes, ces cellules dont on connait l’implication dans la propagation métastatique et les résistances aux traitements. Ainsi, le RHU CASSIOPEIA porté par Fatima Mechta-Grigoriou, directrice de recherche Inserm à l’Institut Curie, vise à détecter et à cibler très spécifiquement les fibroblastes responsables des rechutes grâce à des thérapies totalement inédites.
Accompagner les femmes concernées par la rechute
L’appréhension du risque de récidive est très présente pour beaucoup de femmes atteintes ou en rémission d’un cancer du sein. L’Institut Curie, grâce notamment à son département interdisciplinaire de Soins de support, ne cesse de multiplier programmes et outils d’accompagnement de cette crainte légitime. Par ailleurs, l’activité physique adaptée et la nutrition sont au cœur de l’accompagnement des femmes pour les inciter à adopter des comportements qui peuvent fortement diminuer le risque de rechute.
Vers une structure entièrement dédiée aux cancers féminins > L’Institut Curie, expert des cancers féminins, l’Université PSL et leurs partenaires s’engagent dans le projet de création d’une structure dédiée aux femmes. Avec plus de 76 000 nouveaux cas chaque année en France, les cancers de la femme sont un véritable enjeu de santé publique. Pour y répondre, l’Institut Curie, ses tutelles académiques et l’Université PSL s’engagent dans un projet ambitieux : créer une structure entièrement dédiée aux cancers féminins qui associera toutes les expertises médicales, paramédicales et scientifiques aux côtés des entreprises et des associations de patientes. Objectif : considérer les cancers des femmes dans leur globalité et les mettre au centre de l’innovation et des expertises de recherche et de soins afin de mieux les comprendre, les soigner et d’en guérir toujours plus, aujourd’hui et demain. > Placer les femmes et les spécificités de leurs cancers au coeur de la recherche et de la prise en charge « Les cancers de la femme sont un enjeu de santé publique que nous estimons prioritaire. Sur le plan social, nous partons du double constat qu’il existe de fortes disparités dans leurs prises en charge, et que le cancer est un facteur aggravant des situations de précarité des femmes, qui engendre d’ailleurs plus d’arrêts de travail et plus d’aménagements du temps de travail que pour les hommes. Sur le plan médical et scientifique, si les avancées des dernières décennies sont indéniables, il nous faut maintenant avoir une vision davantage globale de ces cancers avec des recherches ciblées selon l’âge des femmes, depuis le micro-environnement tumoral jusqu’à l’individu dans son environnement », précise le Dr Anne Vincent-Salomon, pilote du projet. Ce projet de structure intégrée va mobiliser toutes les forces vives de l’Institut Curie et des établissements de l’Université PSL et apporter des réponses innovantes pour améliorer la prévention, les traitements et la prise en charge selon les différents stades des pathologies et les contextes individuels. Il sera soumis pour financement à l’Appel à Projets pour créer de nouveaux IHU (Instituts Hospitalo-Universitaires) prévu dans le Plan France 2030 et se clôturant le 7 novembre 2022. * Cancers du sein et cancers gynécologiques (col de l’utérus, endomètre, ovaire, trompes, vagin, vulve). |