Les résultats d’une large étude de phase III multicentrique française suggèrent que la chimio-hyperthermie intra-péritonéale (CHIP) associée à la chirurgie de cytoréduction n’est pas toujours indispensable pour les patients porteurs de carcinose péritonéale d’origine colorectale.
Le Dr François Quénet, chirurgien oncologue, a en tant que coordinateur principal, présenté mardi 5 juin lors du congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) les résultats de l’étude PRODIGE 7. Cette étude évalue le rôle spécifique de la chimio-hyperthermie intra-péritonéale peropératoire (CHIP), après chirurgie de cytoréduction (chirurgie de résection maximale) pour le traitement des carcinoses péritonéales d’origine colorectale. Promue par Unicancer, l’étude a été financée par le Ministère de la santé dans le cadre des Programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) et par La Ligue nationale contre le cancer.
Le traitement actuel pour ces patients est la chirurgie (quand elle est possible) associée à une chimiothérapie hyperthermique délivrée à l’intérieur de l’abdomen pendant l’opération. En effet, lorsque les patients peuvent bénéficier d’une ablation complète de la carcinose péritonéale et d’une CHIP, les résultats de survie sont très supérieurs à ceux qu’apporte une chimiothérapie intraveineuse seule. Aujourd’hui, cette combinaison thérapeutique, en association avec une chimiothérapie intraveineuse qui demeure toujours nécessaire, peut guérir 16 % de patients atteints de carcinoses péritonéales.
« Lorsque cette approche a été développée il y a plus de 15 ans, elle était le premier traitement efficace pour les tumeurs métastatiques du péritoine, mais nous ne savions pas alors si la chimio-hyperthermie peropératoire était une composante importante ou non du traitement. Prodige 7 est la première étude randomisée évaluant le rôle de ce type de chimiothérapie, et elle démontre que l’effet de la CHIP est beaucoup moins important que ce que nous pensions. Ces résultats nous ont évidemment un peu surpris, mais il y a tout de même une très bonne nouvelle pour nos patients : les résultats de survie des patients opérés sans l’apport de la CHIP sont très bons. Ce qui veut dire que quand la chirurgie est de bonne qualité, pratiquée dans un centre expert, nous pouvons espérer de bons résultats de survie en prenant moins de risques de complications post-opératoires », souligne le Dr François Quénet, coordinateur de l’étude.
A propos de l’étude
L’étude Prodige 7 a inclus 265 patients issus de 17 centres français, qui avaient un cancer colorectal de stade IV avec des métastases uniquement sur le péritoine. Les patients randomisés dans le 1er groupe ont été opérés et ont reçu une CHIP ; ceux du second groupe ont été opérés de la même façon mais n’ont pas eu de CHIP. Presque tous les patients (96%) ont également reçu une chimiothérapie intraveineuse.
Les résultats
Après 64 mois de suivi, la médiane de survie était de 41,7 mois pour les patients du groupe avec CHIP et de 41,2 mois pour les patients du groupe sans CHIP. La survie à cinq ans était de 39% dans le bras CHIP et de 36% dans le bras non CHIP. L’analyse des récidives montre que l’ajout de la CHIP décale leur survenue d’environ un an, même si les résultats au long cours sont semblables.
Le taux de mortalité post-opératoire a été de 1,5% sans différence entre les deux groupes et il n’y avait pas non plus de différence pour ce qui est des complications pendant les 30 premiers jours post-opératoires. En revanche, à 60 jours, le taux de complications était plus élevé pour les patients ayant eu une chimio-hyperthermie intra-péritonéale.
Les perspectives
Le Dr Quénet souligne que « pour chaque patient atteint de carcinose colorectale, la possibilité d’une chirurgie devra désormais toujours être évaluée en centre expert en plus de la chimiothérapie systémique car elle augmente la survie de façon importante. Des recherches sont encore nécessaires pour déterminer s’il demeure des groupes de patients qui pourraient encore bénéficier de la CHIP. Nous avons réalisé une analyse de sous-groupe qui suggère que la CHIP augmente la survie des patients ayant un nombre de métastases sur le péritoine modéré, ce qui correspond assez bien à ce que nous observons en pratique quotidienne. A terme nous pourrions arriver à la situation suivante : les patients qui ont une « petite carcinose » n’auront pas besoin de CHIP en plus de la chirurgie ; les « carcinoses moyennes » resteraient peut-être dans le champ de la chimio-hyperthermie». En revanche, pour les patients qui ont une maladie avancée il faudrait mettre en œuvre d’autres moyens thérapeutiques. »
A Unicancer phase III trial of Hyperthermic Intra-peritoneal Chemotherapy (HIPEC)° for Colorectal peritoneal Carcinomatosis (PC). Prodige 7
Présentation orale du Dr François Quenet – Institut régional du Cancer de Montpellier, Montpellier
Session : Gastrointestinal (colorectal) cancer
Mardi 5 juin, 10h42
Lieu : Hall D1
Abstract : EndraCT : 2006-006175-20