Donner un traitement basé sur le profil génomique tumoral aux patientes et patients atteints d’un cancer du sein métastatique est plus efficace que la chimiothérapie à une condition : Il faut que le traitement soit choisi grâce à des outils d’aide à la décision validés. C’est ce que démontre l’essai SAFIR 02 Breast dont les résultats sont présentés le 07 décembre par le Pr Fabrice André lors du San Antonio Breast Cancer Symposium – Grand congrès annuel mondial dédié au cancer du sein organisé sous l’égide de l’American Association for Cancerology Research (AACR) à San Antonio, USA, du 7 au 10 décembre 2021.
Lors de ce congrès, le Pr Fabrice André recevra le prix 2021 Outstanding Investigator Award for Breast Cancer Research décerné par le congrès et l’AACR le 10 décembre. Ce prix récompense son importante contribution à la recherche translationnelle et clinique sur le cancer du sein. C’est la première fois qu’il est attribué à un médecin-chercheur français depuis sa création en 2008.
« Le séquençage génétique tumoral est de plus en plus effectué mais il n’existait pas encore de preuve formelle de son bénéfice, ni de cadre pour cibler une mutation ou une altération trouvée chez des personnes atteintes d’un cancer du sein métastatique par un traitement. L’étude SAFIR 02 Breast a comparé la survie sans progression de la maladie, chez des femmes et hommes traités par une thérapie ciblée administrée en fonction des altérations génomiques de la tumeur par rapport à une chimiothérapie d’entretien » explique le Pr Fabrice André, directeur de la recherche de Gustave Roussy qui a également présenté les résultats lors de la conférence de presse du congrès américain.
Conçue avec la Fondation ARC, Gustave Roussy et Unicancer, le promoteur de l’essai, SAFIR 02 Breast est une étude française randomisée et multicentrique (30 centres) qui a établi le profil génétique de la tumeur de 1 462 personnes atteintes d’un cancer du sein métastatique. Après stabilisation ou réduction de la maladie par une chimiothérapie, les 238 patientes et patients qui présentaient une anomalie génétique tumorale pouvant être traitée par un médicament ciblé ont été répartis de façon aléatoire en deux groupes : les deux-tiers (157) ont reçu une thérapie ciblée parmi les 9 proposées dans l’étude, guidée par la génomique, l’autre tiers (81) la chimiothérapie d’entretien.
Afin de doter les cliniciens d’un outil d’aide à la décision thérapeutique, l’ESMO (European Society for Medical Oncology) a publié la classification ESCAT (ESMO Scale for Clinical Actionability of molecular Targets[1]). Cette classification hiérarchise par pathologie les altérations génomiques qui peuvent être la cible d’un médicament en fonction de la probabilité de leur efficacité et selon 10 niveaux de preuve. Le niveau I collige les altérations qui peuvent être ciblées par un médicament prêt à recevoir une autorisation de mise sur le marché, dont le bénéfice pour les patients a été démontré dans le cadre d’essais cliniques ; le niveau X, les altérations pour lesquelles il n’existe pas encore un début de preuve d’efficacité d’un traitement.
Utilisant cet outil de classification dans l’étude SAFIR 02 Breast, les investigateurs ont réparti les 238 sujets en deux sous-groupes afin d’analyser les résultats : ceux présentant une altération génomique classée ESCAT I-II et ceux présentant une altération ESCAT égale ou supérieure à III.
Chez les 115 personnes présentant une altération génomique ESCAT I-II, la médiane de survie sans progression de la maladie était significativement augmentée dans le groupe recevant une thérapie ciblée (9,1 mois) par rapport à la chimiothérapie (2,8 mois). En revanche, dans le groupe des 123 personnes présentant une altération génomique ESCAT ≥3, il n’y avait pas de différence significative sur la survie sans progression de la maladie entre celles ayant reçu une thérapie ciblée (5,5 mois) et celles traitées par chimiothérapie (2,9 mois). Ces résultats mettent en évidence que la classification ESCAT est hautement prédictive du bénéfice que peut apporter une thérapie ciblée.
« SAFIR 02 Breast montre que l’analyse génomique améliore la prise en charge des patientes et patients atteints d’un cancer du sein métastatique s’ils présentent des altérations classées ESCAT I et II. Ces résultats suggèrent que le séquençage tumoral devrait faire partie du parcours de soins, mais qu’il n’a pas d’impact si les résultats ne sont pas interprétés à l’aide d’un outil validé », commente le Pr André.
De plus, lors de cette étude, le séquençage génomique tumoral a permis de découvrir de nouvelles mutations ou altérations associées à l’évolution d’un cancer du sein métastatique, au mauvais pronostic et à la résistance ou à la sensibilité aux médicaments. Ainsi, 21 nouvelles amplifications ou délétions de gènes ont été découvertes.
« La conclusion de notre étude est que la médecine de précision améliore la prise en charge des patientes à condition que le séquençage soit interprété avec les bons outils », précise Fabrice André.
La principale limite de cette étude est le nombre restreint de thérapies ciblées mises à disposition et correspondant aux altérations génomiques identifiées.
SAFIR 02 Breast a été financée par la Fondation ARC pour la recherche contre le cancer, le laboratoire Astra Zeneca, Unicancer, l’Agence Nationale de la Recherche (IHU-B) et la Breast Cancer Research Foundation.
[1] https://www.esmo.org/newsroom/press-office/escat-scale-dna-actionability-molecular-targets-mateo-andre